Les Vivants ou « la Jungle » de Wifredo Lam

wildredo lam la jungle
La Jungle de Wifredo Lam (1943) – MoMA

Wifredo Lam est un artiste aux multiples racines qui a effectué de nombreux voyages. C’est un homme « mondial »;  il est doté de multiples origines : espagnole, afro-américaine, chinoise. Ses voyages à travers le monde (Espagne, France, Etats-Unis, Cuba, Italie…) renforce l’idée d’un homme irréductible à une quelconque « origine » géographique…

C’est lors de son retour à Cuba que Wifredo Lam travaille à cette grande toile qu’est La Jungle. Dans cette toile, il a souhaité intégrer à la peinture « toute la transculturation qui avait eu lieu à Cuba entre Aborigènes, Espagnols, Africains, Chinois, immigrants français, pirates et tous les éléments qui forment la Caraibe« . Ce mélange a permis de créer une identité nouvelle, une communauté mélangée avec une entité propre.

Ce tableau est une image des Vivants : l’on aperçoit une communauté unie où les individus se distinguent tout en appartenant au même microcosme. La Jungle, c’est une entité constituée de différentes entités. Les individus font corps entre eux et avec le monde : il est difficile de séparer les troncs des arbres (sorte de bambous) avec les jambes et les troncs des personnages. L’on retrouve cette hybridation entre l’homme et le végétal dans l’image de la flamme Les Vivants : la vigne s’immisce entre les individus et s’invite dans leur danse.

On ne peut nier la recherche « primitiviste » de Wilfredo Lam. Les visages sont inspirés des masques africains. Cette nature luxuriante un peu naïve (mais en même temps organique et sombre) n’est pas sans rappeler un paradis premier, un âge végétal où la terre était couverte de forêts. Cependant, je pense que cette recherche « primitiviste » sert à Lam pour affirmer l’identité de cette communauté. Il revendique les racines africaines, sud-américaines…toutes ces peuples dont l’art est perçu comme « primitif » pour les bons occidentaux. Il y a de l’onde de choc dans cette affirmation qui peut (doit) effrayer le spectateur occidental !  Dans la flamme les Vivants, l’onde de choc, c’est ce vin qui sort de cette amphore (dont l’aspect de monstre aux milles yeux n’est pas sans rappeler ce tableau où les yeux sont très présents)  pour se répandre sur la table de banquet.

Même si cette oeuvre reprend par certains aspects une esthétique « primitiviste », c’est une oeuvre qui parle du futur. Nous avons ici une société métissée : il faut penser que dans le temps, à force de rencontres et de mélanges entre les différents peuples, l’espèce humaine sera totalement métissée. La dimension naturelle des Vivants est le Fruit (1+5=6 donc F ) : ce tableau montre que le Fruit de la transculturation est les Vivants, soit une communauté unie, en symbiose. Les corps, que l’on entraperçoit entre les arbres, sont de véritables fruits (ce qui semble particulièrement le cas pour les seins et les fesses qui par leur rondeur ont véritablement l’aspect de fruits).

Je l’ai découvert il n’y a pas longtemps, dans l’exposition consacrée à Wifredo Lam au centre Pompidou à Paris et je suis resté scotché devant sa puissance. Il faut le voir en vrai pour véritablement l’apprécier.

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